lundi 28 mai 2018

22 d’Altino à San Stino di Levanza 33 km

1 l’étape du jour

Nous sommes repartis hier, le temps de traiter deux bronchites à la maison, mais en voiture car d’une part notre trajet était essentiellement routier cette année et accroché à de grands axes, mais d’autre part, nous ne voulons pas déborder sur juillet. Alors hier nous avons fait le tronçon manquant de l’anonyme de Bordeaux qui est passé depuis Ernaginum par Valentia, le col de Cabre avant d’atteindre Vapincum (Gap). J’aurai donc l’occasion de revenir dans un futur article sur cette partie manquante. Toujours est-il que nous avons eu le temps d’escalader le col de Montgenèvre à bonne vitesse et de redescendre par un long tunnel jusqu’à Cesana puis d’arriver à Oulx pour grimper enfin jusqu’au Sauze d’Oulx où nous avions réservé une chambre. La vue était superbe depuis notre fenêtre sur le massif alpin encore bien enneigé.



 Ce matin nous sommes descendus depuis  1500 mètres d’altitude à 300 mètres en moins de 30 kilomètres pour gagner le niveau de la plaine du Po. C’est chaque fois surprenant de constater qu’il n’y a pas de Préalpes en Italie . Bref, après la série de longs tunnels en descente, c’est le quasi plat jusqu’à la fin. Nous sommes repassés par Brescia, Desenzano, Vicenza mais par l’autoroute A4 direction Altino, là où nous nous étions arrêtés.

Grâce à la motorisation, nous allons faire plusieurs étapes par jour. J’ai fait le choix de conserver le découpage initial pour me faciliter la tâche. Ce soir nous sommes arrivés juste avant Portogruaro et Concordia Sagittaria, demain nous devrions arriver à Aquileia et nous verrons bien plus de vestiges romains...

 Aujourd’hui, nous avons suivis totems de la Via Annia qui sont positionnés auprès de chaque point intéressant jusqu’à Aquileia. Malheureusement, cette série jusqu’à San Stino di Livenza ne permet pas de voir grand chose hormis le panneau par lui même. C’est un univers immensément plat, entrecoupé de canaux et de rivières où à l’époque les romains n’étaient pas gênés pour choisir le meilleur parcours. L’optimum était alors le plus cours en minimisant les ouvrages d’art....
 
 
2 le tracé
 
 

 
3 le détail de l'étape
 
 Nous sommes repassés devant le Musée National d’Altino, et nous allons directement au « totem » suivant qui est à l’intersection de la petite route moderne et de la Via Annia recouverte de sédiments qui allait tout droit direction nord-est vers la rivière Sile. Comme pour toutes les sorties de ville, c’est là que se trouvait une nécropole au bord de la route vers Concordia Sagittaria et Aquileia, exceptionnelle nécropole monumentale datant de la fin de l'ère républicaine. Des mausolées d'inspiration hellénistique, des tombes à baldaquin originales, des enclos de différents types, des autels et des statues délimitent en tout la Via Annia au nord et au sud, pour une bande probablement entre 8 et 10 mètres, dans un enchevêtrement de petites routes qui ont permis l'accès aux différentes zones de sépulture. Avec leur grandeur et leur originalité, ces structures ont certainement dû susciter chez ceux qui se sont approchés du littoral vénitien un sentiment d'admiration: les influences culturelles hellénistiques fusionnées heureusement dans une interprétation locale des formes restituent encore l'image d'un monde romain ouvert et cultivé.





La route se dirigeait droit vers la Sile sur un terrain vierge à l’époque de toute construction. Un pont en pierre (totem 20) permettait de la franchir tout en gardant la direction de la voie. Au cours des années 80, des plongeurs ont trouvé des vestiges romains provenant des eaux du Sile dont une couverture d'urne à cassette surmontée d'un trépied, dont il ne reste que les pattes du lion. D'autres prospections effectuées plus récemment dans la localité de Ca 'Sperandio ont permis de retracer quelques fragments du pont romain et un remblai. Le pont, fait de blocs de grès et de briques, était d'une seule arche, de structure similaire aux ponts de Musile di Piave et de Marteggia, situés sur la Via Annia en direction de Concordia. L'état précaire de conservation de la structure et les quelques éléments trouvés dans le lit de la rivière et le long des berges ne permettent cependant pas d'en dire plus. Des traces d'un remblai composé de pieux, de planches et de matériaux inertes ont été trouvées à environ 150 mètres du pont. Les chercheurs ont émis l'hypothèse qu'il pourrait servir à défendre la côte de l'érosion causée par le courant, ou qu'il était fonctionnel à une jetée.  Après avoir traversé la rivière Sile, la route passait par la ville de Ca 'Tron et tournait avant alors Marteggia vers le fossé Gorgazzo qui accompagne encore aujourd'hui la route 





Trepalade tire son nom des trois clôtures érigées sur la Sile pour barrer la route aux navires, en les forçant à passer par une maison de douane. C'était en fait un lieu de transit, à la frontière entre les territoires de Trévise et de Venise, et sans surprise, il se trouvait un bâtiment appelé la Granza, comprenant un magasin, une église et une auberge. De là, partait le canal navigable Siloncello qui reliait la Sile avec les îles torcellane. L'église, dédiée à San Magno, est maintenant une maison privée et le mobilier a été déplacés vers la nouvelle église de Portegrandi.
 
 
 
Ca'Corner et Portegrandi se trouvent au centre d'une vaste zone rurale, la bonification des terres arables  a été réalisée aux dix-neuvième et vingtième siècles. La zone surplombe la lagune de Venise du Nord, où commence la Silone, branche de la rivière Sile qui suit l'ancien cours. Ce lieu  est une étape importante pour la circulation des bateaux (en particulier le tourisme d'aujourd'hui vers la Lagune mais aussi les canaux et rivères à l'entour.
 
 
 
L’anonyme de Bordeaux a noté après Altino, à X milles la mutatio Sanos, puis la civitas Concordia à IX milles. Alors que la table de Peutinger ou l’itinéraire d’Antonin indiquent quant à eux respectivement XXX ou XXXI milles d’Altino à Concordia. Il manque donc une étape à hauteur de la Piave car à neuf milles de Concordia sans aucun doute c’est la mutatio Sanos (13,5 km). Musile de Piave est à neuf milles (13,5 km) de Sanos et à vingt milles (30 km) d’Altino.  Si les X milles relévés par l’Anonyme de Bordeaux sont exacts, cela signifié qu’il a omis une étape de X milles et que cette mutatio devait être à un mille au sud ouest de Musile di Piave (au croisement de la Via Emilia et de la Via Mincio ?). Pour ce qui concerne la présence nécessaire d’eau, comme pour toute mutatio, au vu de l’évolution des cours d’eau dans cette zone depuis deux mille ans, la mutatio pourrait être située n’importe où.
Peuplé déjà dans le Mésolithique tardif, comme en témoignent les résultats sporadiques de silex, le secteur est de la centuriation agraire d'Altinate a vu une intensification significative de la présence humaine dès l'âge de la romanisation. La construction des infrastructures routières - comme la Via Annia, la Via Oderzo et bien d'autres petites artères - est probablement associée au développement agricole, en effet elle a favorisé le maintien de la population dans une région déjà naturellement fertile.
Dans la zone de Ca'Tron, neuf établissements ruraux de taille assez vaste, tous datant du début du premier siècle après JC, ont été identifiés dont trois ont été fouillés entre 2004 et 2010. Certains avec des matériaux précieux, tels que des carreaux de mosaïque et du plâtre peint, tous ont conduit les chercheurs à identifier une villa rustica, villa de campagne typique à partir duquel le dominus administrait son domaine. Les autres sont plutôt des fermes simples ou fermes associées, parfois utilisés comme dépendances, écuries ou bergeries également de taille considérable, et équipées de systèmes isolés tels que des puits, des conduits et des dépotoirs. Trois petits sites, pour l'instant douteux, ont finalement été identifiés près de la Via Annia et la lagune de Venise.
 
 Le pont  (Via San Giovanni)
Comment les romains construisaient leurs ponts.. Courte vidéo en Italien.


Lors de la traversée entre l'arrière-pays entre les rivières Piave et Sile, la Via Annia coupe plusieurs cours d’eau. L'utilisation actuelle des terres est très différente de l’ancienne : les zones marécageuses, dans le passé très étendues, ont été défrichées, les rivières ont été disciplinées et beaucoup d'entre elles ont changé leur itinéraire.





Dans la localité Fossetta, la Via Annia traversait une ancienne branche de Meolo, aujourd'hui disparue, au moyen d'un pont en pierre placé en oblique par rapport à l'axe de la route. Ses morceaux ont été découverts par hasard au début des années 90, au cours des travaux agricoles. La fouille archéologique a permis de mettre en évidence et de documenter la structure. C'est un pont avec une seul arche, d'une longueur d'environ 6,60 mètres, ce qui reflète le mauvais écoulement du cours d'eau traversé. Du pont ne sont conservées que les fondations des piles, en grès, et quelques blocs effondrés de l'arche. L'élévation devait plutôt être modeste, en brique, dont beaucoup ont été trouvées dans la rivière. Il est difficile de proposer une date précise, cependant, la technique de construction et les matériaux trouvés indiquent une utilisation du pont entre les Ier et Vème siècles après JC.
En se dirigeant vers l’ouest, la via Annia formait une fourche. La piste la plus ancienne, léchant la lagune, déjà  abandonnée au premier siècle avant notre ère parce qu’impraticable à cause des entrées maritimes. Elle  a été remplacé par une nouvelle route, plus intérieure et construite sur une digue.
 
 
Ponte Marteggia Meolo  La Fossetta totem Via San Filippo SP 45
Au Sud de San Donà la piste est clairement visible jusqu'au canal Grassaga où se trouvent deux piles d'un pont qui indiquent que la route est définitivement orientée vers le nord en direction de Livenza. 

A proximité de Marteggia, la Via Annia passe le long d'une dépression entre le Sile et la butte de Meolo et, au moyen d'un pont de pierre, traversait un ancien cours du Vallio, qui n'existe plus aujourd'hui. Des études au début des années 1990, ont permis d'identifier les parties qui subsistent, à savoir les deux piles, éloignées de 4,5 mètres  l'une de l’autre, en fait, la largeur de la voie d’eau. Du pont, à une seule arche, sont conservés quelques blocs de pierre en grès - coupés de manière approximative et cimentés irrégulièrement - et plusieurs briques qui, trouvées dans aucun ordre particulier, généralement couvraient la face inférieure. Certains blocs de trachyte, de forme parallélépipédique, tombées des épaules du pont, ont des évidements  quadrangulaires, destinés à recevoir les agrafes métalliques qui consolidaient la structure. Les matériaux récupérés sont principalement attribuables à la période tardive.Associés au caractère sommaire de la technique de construction, il est probable que le pont a été construit, ou tout au moins restauré, à la fin de l'antiquité.
Juste à droite du centre de l’image, les traces d'un chemin de l'ancienne route se détachent de la via Annia et était presque parallèle à celle du canal La Fossetta, visible sur le côté gauche de l'image
foto A. Fontana - Dipartimento di Geografia - Università degli Studi di Padova
 
 
 Le Pont sur la Grassaga à Cittanova (Totem situé Via Calnova, SP 54)
La Via Annia, passait sur des monticules des zones marécageuses de la centuriation de Concordia et traversait par des ponts de pierre la Livenza et le Canalat et rejoignait Grassaga.  La traversée de la rivière, se faisait par un pont à trois arches, de 29.60 mètres de long et 5 mètres de large, également en pierre, situé à Fossa-Ca' Treviso au nord-ouest de Cittanova. Datant du milieu du Ier siècle et la première moitié du IIème siècle, il est maintenant complètement indétectable. La cartogtaphie militaire de la fin du XVIIIème siècle, nomme la zone  Ponte Sotte Aqua. En 1922, le pont a été mis en lumière suite à des travaux visant à élargir le lit de la rivière. Mais ce fut aussi l'occasion de disperser les restes « réduits en petits morceaux » et irrémédiablement perdus. Sur la base des données recueillies alors, nous savons maintenant que le pont était équipé de trois arches. Les archéologues ont identifié de nombreux fragments d'objets anciens récupérés dans la campagne environnante, sur une période très prolongée de temps et témoignent de la longue fréquentation de la route. 





Juste derrière l'intersection de la route actuelle on reconnaît la via Annia, et en particulier les traces sombres des fossés latéraux.
foto A. Fontana - Dipartimento di Geografia - Università degli Studi di Padova
 
 
 
 
 
Fossa Non loin de là on a aussi découvert une colonne milliaire qui indiquait le vingtième mille, preuve incontestable que la zone d'Altino atteignait la rivière Livenza. 
 
 
 
 Dans l'antiquité, Ceggia était alors un village sur les rives de l'Adriatique. Le noyau du pays a été formé un peu plus tard dans le village Gainiga, là où des objets romains ont été trouvés qui témoignent de la vie dans ces terres où pasaité la Via Annia, construite par Tito Annio Lusco en 153 avant notre ère. Dans la ville de Gainiga, de nombreux objets romains (pièces, amphores, les tribunaux alimentaires) ont été  trouvés qui suggèrent la façon dont cette zone périphérique au centre du pays était occupé dans le passé. De plus à Ceggia ont été trouvés un pont romain, toujours exposé à sa place d'origine, une stèle funéraire, trouvée par hasard par un agriculteur ainsi que diverses monnaies romaines, des amphores et une pierre de marbre d'origine romaine
Au sud de Ceggia, la Via Annia interceptait quelques vieilles branches du Piave, qui n'existent plus aujourd'hui, et les franchissait par des ponts en pierre.











 L'un d'eux, encore visibles aujourd'hui, a été utilisé pour traverser la Canalat, également dit Piavon vieux, une branche de la Piave au cours plutôt tortueux.Le pont à trois arches, a été découvert par hasard en 1949, quand les restes des deux piles son apparues. Les piles ont été développés pour une longueur d'environ 8 x 1,70 mètres, tandis que les têtes mesurées 6.20 x 9 mètres environ. Les piles sont caractérisées par leur forme typique en coin - à la fois en amont et en aval - fonctionnelle pour contrer la dynamique du courant et éviter la formation de tourbillons. Pour la construction, des blocs de grès d'origine friulana, ont été utilisés, attachés ensemble avec des mortiers renforcés par des entretoises métalliques. La face inférieure devait avoir un revêtement en briques, dont certaines ont été trouvées lors de la fouille. Les arches, dont rien n'est conservée, devaient être des arcs segmentaires. La chaussée doit avoir une largeur d'environ 6 mètres, ce qui constitue une chaussée carossable double.
La Via Annia, traversant sur un talus une zone basse et parfois marécageuse. Comme preuve de cette route indiquée encore aujourd'hui par certains patronymes tels que Levada dans la municipalité de Portogruaro et Prà di Levada, dans la commune de Ceggia. Elle est également parfaitement reconnaissable à travers les photographies aériennes.
 
 
Près du village se trouve un des relais de poste de l'anonyme de Bordeaux, puisqu'à 9 miles de Concordia. Nous savons seulement que ce pourrait être la mutatio Sanos  (mais sans certitude car nous ne pouvons pas dire s’il s’agit de la première ou la seconde après Altino),  la mutatio Sanos se trouvait, près de la traversée de la rivière Livenza au sud de la commune de San Stino, à Sant' Anastasio.
 
 Les premiers signes de colonies habitées qui se trouvaient dans la municipalité de San Stino di Livenza à l'époque romaine, lorsque le territoire inhospitalier au nord était couvert de forêts sombres et au sud de lagunes immenses et désolées. 


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